mercredi 18 juillet 2012

Pablo Neruda - Mémorial de l'Ile Noire - Extraits

- " Parfois je m'endormais en entendant / la cascade / invulnérable / de l'intérêt et des intéressés, / car pour finir quelques-uns n'étaient pas des hommes, / ils étaient le 0, le 7 ou le 25, / ils représentaient / les chiffres / de la corruption, / c'était le sucre qui leur donnait la parole / ou le cours des haricots noirs, / l'un, du ciment était le sénateur, / un autre augmentait le prix du charbon, / un autre empochait le cuivre, le cuir, / l'électricité, le salpêtre, les trains, / les autos, les armements, / les bois du sud payaient des votes, " Dans les mines d'en haut. Pablo Neruda. Mémorial de l'Ile Noire

 

- " et je vis même un être momifié, / grand maître des bateaux, / qui ne savait jamais / quand il devait dire oui ou crier non : il ressemblait à un scaphandrier / vieux et froid, resté par erreur / sous le sel de l'onde marine, et cet homme sans homme / mais non point sans saumure / dictait par un hasard étrange / la dure loi de sujétion / qu'on promulguait / contre les villes de misère, / en stipulant dans chaque clause / la faim et la douleur / de chaque jour, / en ne donnant raison qu'à la mort, / en bourrant à craquer / les poches du négrier. " Dans les mines d'en haut. Pablo Neruda. Mémorial de l'Ile Noire

 

- " Qu'ils étaient / corrects, / vus sous ce jour antagonique, / les marchands livides / de la pauvre République, / impeccables, / respectables, / rassemblés / dans leur enclos immaculé de bois lustré, / chacun offrant à l'autre son sourire, / gardant en poche / la graine / de la plante prolifique / de l'argent. " Dans les mines d'en haut. Pablo Neruda. Mémorial de l'Ile Noire

 

- " Tombèrent des dignitaires / drapés dans leurs loges / de boue trouée de vers, / des peuples sans nom brandirent leurs lances, / démolirent les murs, / clouèrent le tyran contre ses portes d'or / ou simplement, en manches de chemises, / accoururent / à une petite réunion / d'usine, de mine ou de travail. " Révolutions. Pablo Neruda. Mémorial de l'Ile Noire

 

- " Oui, mais ici je suis seul. / Une vague / se lève / peut-être dit-elle son nom, je ne comprends pas, / elle murmure, traîne son poids / d'écume et de mouvement / et se retire. A qui / vais-je demander ce qu'elle m'a dit ? / Qui parmi les vagues, / pourrai-je nommer ? / Et j'attends. " Soliloque parmi les vagues. Pablo Neruda. Mémorial de l'Ile Noire

 

- " L'exil est rond : / un cercle, un anneau : / tes pieds en font le tour, tu traverses la terre / et ce n'est pas ta terre, / le jour t'éveille et ce n'est pas le tien, / la nuit arrive ; il manque tes étoiles, / tu te trouves des frères : mais ce n'est pas ton sang. / Tu es comme un fantôme qui rougit / de ne pas aimer plus ceux qui t'aiment si fort, / et n'est-il pas vraiment étrange que te manquent / les épines ennemies de la patrie, / l'âpre détresse de ton peuple, / les ennuis qui t'attendent / qui te montreront les dents dès le seuil de la porte. " Exil. Pablo Neruda. Mémorial de l'Ile Noire

 

- Exils ! La distance / devient épaisse, / nous respirons par la blessure : / vivre est un précepte forcé. / L'âme déracinée pratique l'injustice : / Elle refuse la beauté qu'on lui propose : / elle recherche son territoire infortuné : / et sur celui-ci seul le martyre ou le calme. " Exil. Pablo Neruda. Mémorial de l'Ile Noire

 

- " Merci, ma grande sœur / car tu existes. " La sœur cordillère. Pablo Neruda. Mémorial de l'Ile Noire

 

- " Le fleuve ne sait pas qu'il s'appelle le fleuve. / Il est né là, les pierres le combattent / et tandis qu'il se livre / au premier mouvement / il apprend la musique et instaure l'écume. " Le fleuve né des cordillères. Pablo Neruda. Mémorial de l'Ile Noire

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