jeudi 5 juillet 2012

Robert Berthelier. Approche de la sexualité musulmane. In " Entretiens psychiatriques N 15." 1972 ( prise de notes )

- " ...pendant la campagne d'Italie lors de la dernière guerre mondiale, le commandement français avait obtenu - parce qu'il le jugeait nécessaire - pour les bataillons marocains, et eux seuls, le droit de viol. Il semblerait donc qu'il y eut déjà, à ce niveau, un problème : dans la mesure où, d'emblée, le viol - c'est-à-dire une conduite sexuelle habituellement qualifiée de délictueuse - est conçu comme nécessaire à un groupe d'individus, il apparaît légitime de se poser la question, soit de la normalité de ce groupe, soit de la relativité des normes. "

 

- " Noir de poil et brun de peau, l'homme musulman représente bien le méditterranéen. Volontiers sombre, renfermé, méfiant, il ne se livre guère d'abord. Ses paroles sont rares, stéréotypées, formules toutes faites dictées par la tradition, son attitude hautaine et digne. Viennent un conflit, une discorde, il explose cependant en un déluge verbal, devient alors rapidement agressif, tant paraît immense son désir de ne point paraître avoir tort. "

 

- " Le moindre incident lui est sujet à une véritable hypermimie et prend volontiers des proportions presque cosmiques. "

 

- " Dans le même temps où son exhubérence se fait jour, il est remarquablement fataliste. Qu'il s'avère qu'il ait tort, qu'il soit le plus faible ou qu'une autorité supérieure intervienne, il s'incline et subit alors, résignés et passif, les conséquences de ses actes : " c'est la volonté de Dieu " est le seul commentaire qu'il se permette. "

 

- " Fier de sa virilité, il la valorise volontiers. Au besoin, il la prouve par des conduites don-juanesques, voire par des actes pervers. Il en trouve le reflet dans ses enfants mâle, dons de Dieu et preuves vivantes de la masculinité paternelle. "

 

- " Bon époux, il l'est aussi généralement, à sa manière, même si sa vanité masculine le pousse, lorsque l'occasion s'en présente, à tenter sa chance auprès de l'épouse d'autrui, ce qui ne va pas sans être source de différends parfois violents. Le sachant fort bien, du reste, il surveille jalousement sa femme et la corrige fermement à la moindre incartade, voire au moindre soupçon d'incartade. "

 

- " A vrai dire, il la mène à la baguette, l'utilise à son gré comme procréatrice, bête à plaisir ou bête de somme; qu'il apparaisse comme un tyran domestique ne l'émeut guère, car c'est la coutume, et que le Coran a bien précisé que, s'il ne fallait pas maltraiter sa femme il n'était pas question pour autant qu'elle soit l'égale de l'homme. "

 

- " Car il est religieux, ce qui signifie avant tout qu'il suit la tradition. "

 

- " Il n'a guère de biens propres, sinon ceux de la communauté : les terres patrimoniales appartiennent à l'ensemble de la famille et, même si chacun y possède des droits propres, elles sont indivises. Ainsi, l'individu est prisonnier du groupe et sa liberté limitée. "

 

- " Selon l'expression de P. Bourdieu, il est à la fois " être pour autrui et être par autrui, sorte de carrefour d'appartenances qui se pense malaisément en tant que personnalité autonome. " "

 

- " Peut être est-ce là le lieu d'évoquer brièvement, car il est complémentaire, le personnage de la femme musulmane. Bête à plaisir, avons-nous dit, réfugiée derrière son voile, sa vie passe à enfanter. Le fait important en ce qui la concerne est que socialement parlant, elle ne se définit que par son inexistence. "

 

- " Inférieure et impure, elle ne se préserve qu'en créant sa propre société, parallèle à celle des hommes et hétérogène. Si bien que le monde musulman apparaît , de prime abord, comme constitué par la juxtaposition de deux sociétés globalement homosexuelles vivant sous le régime du patriarcat. "

 

- " Il est vrai, cependant, qu'existe une catégorie de femmes dont l'importance sociale est indéniable : ce sont les femmes du patriarche. Car, si la femme est niée en tant qu'elle est épouse, elle est au contraire valorisée en tant qu'elle est Mère. "

 

- "Et, en réalité, si le patriarche représente la loi, c'est son épouse qui détient l'autorité réelle. Par ce biais, ce qui se dit au niveau du monde de la femme est transmis et exécuté dans la société masculine. Si bien que, alors que la femme n'existe théoriquement pas en tant qu'être social, un poids officieux mais terriblement réel lui est conféré par la ménopause. "

 

- " Par là, en définitive, ce patriarcat, cette société à transmission patrilinéaire peut se définir dans la réalité comme un matriarcat de fait. "

 

- " Le théâtralisme, la suggestibilité et la mythomanie, mais aussi la passivité et la dépendance, composent un tableau remarquablement superposable à celui que nous décrivons habituellement sous le vocable de " personnalité hystérique ". On le complèterait volontiers par un rappel justifié de la complaisance à somatiser les conflits. Pourtant, poser d'emblée que personnalité musulmane égale personnalité hystérique serait sans doute simpliste; d'autant que cette " hystérie " apparaît parfaitement intégrée à l'ensemble du milieu socio-culturel. "

 

- " L'exhubérance sexuelle de l'homme contraste remarquablement avec la frigidité habituelle de la femme. Elle paraît, en tout cas, s'opposer à la passivité constatée par ailleurs. Mais s'agit-il d'une apparence ou d'une réalité ? "

 

- " L'examen des relations qu'entretient chacun avec son entourage peut seul apporter une ébauche de réponse. Mais dans ce chemin qu'est une vie le point de départ est toujours la famille, et c'est dans la relation parents-enfants que l'individu va prendre naissance. Et tout d'abord, dans la relation avec sa mère qui sera pour l'enfant le personnage primordial de la constellation familiale. "

 

- "Il paraît important de souligner d'abord que le mode d'élevage de l'enfant constitue un stéréotype culturel invariable inscrit dans l'économie et dans la religion. Les exceptions sont rarissimes. "

 

- " L'enfant est nourri exclusivement au sein. L'allaitement se fait absolument à la demande, au moindre cri, de jour comme de nuit. Il s'assortit d'un portage de l'enfant à peu près permanent. Il est de longue durée : un à deux ans d'allaitement maternel exclusif constituent la règle; la prolongation jusque vers trois ans n'est pas exceptionnelle. Le sevrage, souvent dû à la nécessité de nourir un nouvel enfant, est brutal. "

 

- " Cette conduite est traditionnelle. Elle répond a des impératifs socio-économiques évidents : dans la mesure où il s'agit d'un milieu rural pauvre, de région méditerranéenne montagneuse, d'une économie avant tout de subsistance, le lait maternel constitue évidemment la meilleure nourriture possible. "

 

- " Mahomet, dans sa sagesse pratique, l'avait bien perçu, et le commandement coranique vient à l'appui de cette nécessité : " la femme qui veut allaiter son enfant complétement le nourrira jusqu'à deux ans au moins. " "

 

- " L'important, en ce qui nous concerne, est qu'un type de relation mère-enfant bien particulier naît de là. Il s'agit d'une relation exclusive, caractérisée par la satisfaction totale et immédiate des exigences instinctuelles de l'enfant. "

 

- " Le portage, en outre, qui met en contact étroit le corps de la mère et celui du nourrisson, aboutit à une relation presque fusionnelle sur le mode oral avec l'objet maternel. Le résultat en est d'abord une sécurisation de l'enfant, mais aussi une dépendance absolue de la mère. "

 

- " Dans ces conditions, et compte tenu de la longue durée de l'allaitement, le sevrage tardif et brutal représente un traumatisme important et déterminant. "

 

- " La nécessité imposée de l'autonomie, la confrontation désormais à un monde dans lequel la recherche de la nourriture constitue une activité primordiale, vont fixer chez l'individu la nostalgie du paradis perdu, d'une situation dans laquelle tout désir est satisfait sans délai par un objet maternel puissant et omniprésent. Nous verrons qu'on retrouve chez l'adulte les stigmates de la fixation orale, tant au niveau des conduites normales qy'à celui de la pathologie. "

 

- " A la suite du sevrage, le fait dominant est la liberté. L'enfant qui vit toujours dans le monde des femmes, donc celui de la mère, est roi. Il ne connaît à peu près nulle contrainte, particulièrement dans le domaine excrémentiel : l'érotisme anal est libre et la contrainte sociale ne s'y manifeste pas. "

 

- " Ce qui frappe dans tout cela est que le père, apparemment ne paraît guère, et il est bien vrai qu'il n'intervient à peu près pas dans l'univers de l'enfant. Son monde est celui des hommes, le monde de l'enfant celui des femmes, et les communications sont rares entre l'un et l'autre. "

 

- " L'éducation est l'affaire de la mère, et le père ne s'y immisce pas. Pourtant, ce personnage absent, avare de signes extérieurs d'affection donne de lui l'image particulière du chef de famille à l'autorité absolue, qui rudoie la mère et parfois la bat, l'humilie en tout cas. Il incarne le pouvoir, mais un pouvoir assez effrayant, dangereux pour l'objet maternel. "

 

- " Cependant, alors que l'enfant va affronter le conflit œdipien, il fait dans le même temps l'épreuve de la symbolique du sexe. En s'identifiant à son pénis, il voit se faire prégnante l'angoisse de la castration. "

 

- " La mère, toute puissante, apparaît sans doute dangereuse, susceptible de retirer cet attribut qu'elle a donné. Mais c'est l'irruption du père dans la vie de l'enfant qui va, à l'occasion d'un événement rituel, renforcer l'angoisse et lui donner une place éminente : c'est le père, en effet, qui va présider à la cérémonie de la circoncision, puis à l'enterrement public - devant l'enfant et la population mâle du village - du prépuce. "

 

- " Dans le même temps où elle symbolise le passage du monde de la femme à celui de l'homme, la circoncision représente pour le petit garçon un important traumatisme car, transposant dans le réel les craintes fantasmatiques de castration, elle va pour une bonne part amener l'enfant à mettre désormais en doute la réalité de sa virilité ou, à tout le moins, à redouter définitivement sa perte. Elle va, en tout cas, polariser sur le père responsable de cette mutilation, les pulsions agressives. "

 

- " Le spectacle, au moins auditif mais en tout cas très proche, des ébats parentaux, confirme pour l'enfant, et l'agressivité contre le père possesseur de ce qui lui a été ôté, et l'image d'une agression contre la mère. "

 

- " Nous estimons que, dès lors, les jeux sont faits et que la prégnance de l'angoisse de castration, jointe à la fixation primitive à la mère, vont fonder la non-résolution de l'Œdipe et barrer définitivement à l'individu l'accession à la génitalité. "

 

- " ...les observations qui constituèrent notre point de départ : les retards psycho-moteurs curables de l'enfant liés à la relation très particulière à la mère; ou encore, les dépressions à expression somatique dont la fréquence témoignait abondamment d'une indiscutable capacité de régression. "

 

- " ...deux composantes principales de la personnalité de l'homme musulman : l'oralité d'une part, et la fixation à la mère et la persistance de l'angoisse de castration d'autre part, donnent lieu à des manifestations trop complémentaires pour être exposées indépendamment les une des autres. "

 

- " Les témoins de l'oralité sont nombreux dans la culture : ainsi les rituels de la nourriture, ou l'éructation sonore qui se doit de marquer la réplétion gastrique. Ainsi, également, l'alcoolisme dont la fréquence nous a frappé. "

 

- " ...une expérience empirique nous a prouvé que, sitôt abaissées les barrières que dressent la coutume et la religion, une appétence quasi irrésistible pour l'alcool se faisait jour. Et il nous apparaît que, en la matière, l'oralité est inséparable des effets du toxique : l'euphorie qu'il procure, l'estime de soi et l'assurance dont il est source, sont sans doute précieux pour un individu que nous verrons poursuivre sans cesse sa propre affirmation "

 

- " ...les mêmes considérations sont valables pour l'intoxication traditionnelle au chanvre indien. Cependant, au besoin de manger répond celui d'être mangé. Cela, l'individu ne peut le transposer dans la réalité que sur un mode symbolique. "

 

- " Cet anéantissement de soi-même, il le recherche et le satisfait en se fondant dans la communauté, substitut du corps maternel : source des satisfactions orales, dans la mesure où l'économie est très largement communautaire - substitut dans le réel immédiat de la toute-puissance maternelle, car la personne n'existe pas hors du groupe auquel elle est soumise - le groupe social reproduit hic et nunc la relation infantile avec la mère; l'homme remis en situation de dépendance passive se trouve sécurisé. "

 

- " Dans la mesure où la mère représente l'objet d'amour pour le garçon, l'épouse prend une double valeur. Elle pourrait représenter un substitut à l'image maternelle, mais alors la relation avec elle reproduirait l'amour incestueux infantile et cette situation serait insupportable. Mais dans le même temps, l'épouse est rivale de la mère et, quoi qu'elle fasse, ne peut être cette dernière. "

 

- " Dans ces conditions, l'objet sexuel et l'objet d'amour ne peuvent coïncider. La réponse à ce conflit, l'homme ne peut la trouver que dans la négation de la femme comme personne. Socialement elle n'est rien; en tant qu'individu, elle est impure, ce qu'attestent ses menstrues. En tant qu'épouse elle n'est qu'un objet sexuel, nullement un élément du couple. Le symbole de cette annulation, c'est le port du voile qui recouvre la femme, la fait disparaître, la voue à une non-existence anonyme aux yeux du monde. "

 

- " Parallèlement, la mère est valorisée, ou du moins pour chaque adulte, sa propre mère. Une preuve indirecte en est fournie par le riche répertoire des insultes que peut proférer le musulman à l'encontre d'autrui. Les plus graves, celles qui sont réellement impardonnables, ont justement trait à la mère. "

 

- " Cependant, la valorisation de la mère est entravée jusqu'à un certain point par le fait qu'elle est femme et subit à ce titre la destinée sociale de son sexe. C'est pourquoi elle ne peut obtenir une représentativité et le droit d'exister en tant qu'être social que dès lors qu'elle atteint la ménopause : la disparition des menstrues et l'impossibilité de grossesse, en la différenciant radicalement des jeunes filles et des épouses, lui permettent une existence individuelle à partir de laquelle elle peut établir et saisir le pouvoir qui lui était jusque là refusè. "

 

- " .,.l'homme défini à la fois par la fixation à la mère et la petsistance de l'angoisse de castration se voyait barrer la route de la génitalitè. Et il est bien vrai que sa sexualité, pour ce que nous en connaissons, demeure très largement pré-gènitale. Son expression répond en fait à une double nècessité : ne pas transgresser l'interdit de l'inceste, mais surtout surmonter l'angoisse de castration en réaffirmant sans cesse dans la rèalité l'authenticitè de sa virilité. "

 

- " Dans la mesure où, à chaque réassurance correspond une nouvelle mise en doute, l'homme, toujours insatisfait, cherche toujours à prouver son intégralité; et ce, à ses propres yeux, mais aussi à ceux d'autrui. Cette quête dérisoire et pathétique, véritable compulsion de répétition, abonde en témoignages. Et d'abord, par la fréquence des conduites perverses. "

 

- " L'objet maternel étant inaccessible parce qu'interdit, l'objet sexuel n'a en réalité guère d'importance. L'usage a consacré pour cela l'épouse, mais en l'absence de celle-ci, ou encore dans certaines circonstances particulières faisant monter la tension anxieuse, l'important sera, non pas d'avoir un objet mais bien plutôt d'avoir un pénis et de le démontrer par son usage. "

 

- " Peu importe dès lors qu'il y ait masturbation, homosexualité, viol ou bestialité, le but cherché n'est pas tant la satisfaction instinctuelle que la réassurance narcissique. "

 

- " Le besoin de réassurance narcissique, nous le retrouvons dans un certain nombre de conduites - celles, par exemple, de l'érection matinale sécurisante, ou encore du rapport sexuel post-prandial après lequel l'homme goûte une sieste heureuse, mais aussi dans la loi et la structure sociale qui visent avant tout à une valorisation au moins apparente des valeurs masculines. Cette " virilité qu'il tient tant à démontrer ", l'homme en exhibe le témoignage dans le nombre de ses enfants, et ce d'autant mieux qu'ils sont mâles : le pénis du fils témoigne pour celui du père. "

 

- " Les conduites don-juanesques s'inscrivent également dans ce cadre. La femme est recherchée, non pour ce qu'elle est en tant qu'individu - puisque cet aspect d'elle est annulé par le port du voile - mais comme moyen de valorisation. A ce titre, peu importe de quelle femme il s'agit. En l'occurance, l'homme musulman apparaît comme un " dragueur " impénitent, ce que F. M'Rabet a bien noté. "

 

- " Que la femme recherchée puisse être celle d'autrui n'est pas sans importance ( car, au fond le meilleur moyen de prouver sa puissance est bien de nier celle de l'autre en le supplantant ) ; l'homme en est bien conscient, du reste, qui tient implicitement la sienne pour toujours susceptible de le tromper et, à ce titre, fait montre à son égard d'une jalousie féroce. "

 

- " F. M'Rabet, en outre, a bien mis en évidence l'attrait exercé sur l'homme musulman par la femme européenne, et que la conduite masculine à son égard était empreinte d'une agressivité certaine. "

 

- " Les rites concernant l'ennemi mort s'inscrivent également dans la perspective d'une conjuration de l'angoisse de castration. Ainsi, durant la guerre d'Algérie, ces cadavres retrouvés émasculés, les organes génitaux fourrés dans la bouche. La puissance du vainqueur est ici attestée par l'ablation de ce qui signifie celle du vaincu ( quant à la présence des organes génitaux dans la bouche, on y verra sans doute la résurgence de fantasmes oraux ). "

 

- " Sur 218 observations recueillies au cours d'un exercice de 13 mois, nous avons, dans la population considérée ( 15 000 personnes environ ), eu à connaître de 130 syndromes dépressifs. "

 

- " Dans tous les autres cas, nous avons eu affaire à des états dépressifs, pour la plupart d'allure réactionnelle, presque tous à composante somatique extrêmement importante mais dans lesquels manquait toujours ce symptôme pourtant classique qu'est l'auto-accusation. Au vrai, il nous est apparu que, dans la vie normale comme dans le vécu morbide, existait une impossibilité non pas à culpabiliser mais à s'auto-accuser. "

 

- " ...à partir d'une sensation permanente d'insécurité ou d'impuissance, l'explosion anxieuse peut prendre la forme d'actes homicides qui ne sont finalement, à y regarder de plus près, que des réactions de prestances. Il n'y a pas, en la matière, de différence fondamentale avec les conduites sexuelles : qu'il s'agisse du coît ou de l'assassinat, la signification est toujours celle, et d'une agression, et d'une réassurance narcissique d'ailleurs fragile et sans cesse compromise. "

 

- " Un des caractères qui nous a le plus frappé dans la culture dont nous nous occupons, est le nombre, la permanence et l'invariabilité des stéréotypes culturels qui tendent à définir des individus dont les conditions sont parfaitement homogènes. "

 

- " On ne peut guère, en l'occurrence, que constater qu'il y a là, entre la personne et la culture, une correspondance étroite; mais il est impossible de prétendre que la culture détermine la personne, ou inversement. Un tel débat, du reste nous paraît présenter un intérêt essentiellement académique et, en réalité, la seule constatation qui nous retienne est celle de l'interadaptation réciproque de la culture et de la personne. "

 

- " S'il est vrai par exemple que, en milieu musulman rural, le mode d'allaitement des enfants est coutumier et parfaitement invariable et que l'attitude de la mère envers l'enfant est également stéréotypée, on ne saurait en dire autant dans notre culture où, d'une classe sociale à l'autre, d'un lieu à un autre, mais aussi d'une famille à une autre, nourrissage et attitude maternelle varient : ce qui fonde du reste parfaitement l'hétérogénéité de deux cultures dont l'une affirme la préséance du groupe sur l'individu, alors que l'autre valorise au maximum les valeurs individuelles. "

 

- " Le groupe homogène que nous avons d'abord circonscrit est ainsi défini par un certain nombre de constances suffisamment importantes dans la formation de l'individu pour justifier notre démarche. Il s'agit, avons-nous dit, d'une société patriarcale, à transmission patrilinéaire. Mais, dans la réalité, on peut la définir comme un matriarcat dans la mesure où la grand-mère ( paternelle le plus souvent ) détient en fait l'autorité. "

 

- " Si l'homme y est apparemment puissant, la femme, de par le rôle exclusif qu'elle exerce auprès des enfants, y est en définitive le personnage central. Elle y est aidée par la séparation existant entre deux sociétés, masculine et féminine, hétérogènes et closes. "

 

- " De plus, un des traits saillants de cette culture est la primauté accordée au groupe sur l'individu : celui-ci, pratiquement, n'existe pas en tant que personne autonome et ne se définit que par et pour une communauté dont le fondement est représenté par la cellule familiale. "

 

- " Cette structure sociale paradoxale - patriarcat apparent, mais matriarcat de fait - répond parfaitement à des traits individuels qu'elle recouvre et justifie. Le besoin de réassurance narcissique de l'homme étroitement lié à la persistance de l'angoisse de castration, trouve sa correspondance dans la valorisation de la masculinité et dans la négation de la femme en tant qu'individu; cependant que la passivité et le besoin de dépendance - séquelles, chez l'adulte, de la fixation infantile à la mère - sont satisfaits par la négation des valeurs individuelles et la fusion dans la communauté. "

 

- " Quant à la femme (...) son désir de puissance socialement annulé, trouve finalement une issue dans la valorisation de l'image de la mère. Si bien que, en définitive, la définition que donnait P. BOURDIEU de la personnalité musulmane - " être pour autrui mais en même temps être par autrui " - se trouve justifiée; car, au vrai, il s'agit bien là d'une civilisation de l'apparence plutôt que du vécu réel au sein de laquelle l'individu ne peut se saisir que dans une dialectique de l'être et du paraître qui confond dans un même mouvement ce qu'il est et ce qu'il voudrait être. "

 

- " La religion, finalement, pérennise cette interadaptation réciproque de la société et de l'individu. L'Islam, en effet, ou du moins son adaptation local (...) vient consacrer la primauté du groupe sur la personne et la structure sociale patriarcale, mais aussi la mainmise de la mère sur l'enfant et la dépendance de l'individu. "

 

- " Ce qui importe dans cette religion est son contenu plus que son vécu; plutôt que spiritualité, elle est règle concrète de vie. Au vrai, elle est la loi coutumière. Elle réalise un ensemble rigide de principes, d'interdits et d'obligations auquel nul ne peut échapper. Elle recouvre la totalité, ou à peu près, des situations possibles de la vie quotidienne, prévoit en chaque cas la décision à prendre ou la conduite à tenir, ne laisse qu'un minimum de place au hasard ou à l'initiative individuelle. Mais si ce carcan rigide répond parfaitement à la passivité de l'individu, il se caractérise aussi par son absence totale d'évolutivité. "

 

- " Ainsi, la religion fige la culture et définit dans le même temps la permanence historique de la structure sociale et de la personne. A ce titre, le temps n'existe pas dans la communauté, ou plutôt, le passé est le présent, mais il est aussi l'avenir. L'homme est comme son père, son fils sera comme lui et ils vivront l'un comme l'autre dans un espace intemporel. "

 

- " ...nous ne chercherons pas à trancher s'il est possible pour autant de définir " une structure de la personnalité de base " au sens où l'entendait un KARDINER. Il nous est tout au plus possible de noter que ces traits, qu'on puisse ou non les grouper en une structure définie, paraissent en tout cas devoir être le support de personnalités qu'on peut difficilement appréhender comme autres que névrotiques. "

 

- " Cependant, une telle conclusion ne saurait en aucun cas être tenue pour satisfaisante : on ne peut en effet parler de névrose dans la mesure où l'ensemble du groupe en serait atteint et où, dès lors, le pathologique serait la norme. "

 

- " ce qui apparaît par contre clairement est la notion maintenant classique de la relativité des normes culturelles, car cet individu, parfaitement normal puisqu'en harmonie avec son milieu, va être appréhendé comme névrotique dès lors qu'interviendra, sous une forme ou sous une autre - transplantation géographique ou confrontation à la culture du colonisateur - l'acculturation. En réalité, c'est dorénavant un autre problème qui se pose : celui de la légitimité de l'approche d'une culture étrangère en fonction de systèmes de références qui nous sont propres. "

 

- " Il est vrai que, jusqu'à la guerre d'Algérie, la colonisation n'avait guère pénétré dans le monde que nous avons décrit. Il est indéniable, par contre, qu'elle porte une lourde responsabilité dans la survivance de ces formes archaîques de la vie sociale : la destruction consciente des élites rurales lors de la conquête d'Algérie, l'absence de scolarisation ensuite, la favorisation, enfin, de la persistance des structures les plus traditionnelles de la société indigène, ont figé cette culture de telle façon que son absence d'évolutivité constituait sans doute le meilleur garant de la domination européenne. "

 

- " En retour, cette stagnation représentait également pour les Musulmans un mode assez conscient de résistance aux possibles tentatives d'infiltration d'une culture étrangère. "

 

- " Ce qui importe en l'occurrence pour la compréhension de l'individu, est le fait que sa société existe, hic et nunc, et qu'elle réclame et détermine un certain mode d'adaptation. "

 

- " ...nous estimons que, si évolution il y a, elle ne saurait être que lente. "

 

- " Et ce n'est pas parce que " l'Algérie de papa " est morte que l'homme musulman cessera brusquement sa quête sans espoir d'une impossible virilité. " fin.

 

- " L'interprétation psychodynamique du comportement sexuel musulman - dans la mesure où il peut être abstraitement réduit à un schéma " typique " - aboutit à tracer un " portrait robot " de la sexualité du " nord africain " dont les principaux traits seraient en fin de compte une foncière fixation à la mère et l'établissement d'une relation objectale prégénitale vis-à-vis de la femme désirée seulement comme objet, ou plus exactement, tenue à la distance affective d'un mauvais objet à maltraiter. " Henri Ey. discussion de l article de Robert Berthelier. Approche de la sexualité musulmane. In " Entretiens psychiatriques N 15." 1972

 

- " la relativité des normes culturelles ne peut être elle-même que relative quand il s'agit de déterminer les caractéristiques du type ethnique dont la complexité et l'hétérogénéité même exigent que lui soit désignée une sorte de dénominateur commun. " Henri Ey. discussion de l article de Robert Berthelier. Approche de la sexualité musulmane. In " Entretiens psychiatriques N 15." 1972

 

- " Qu'une telle organisation complexuelle s'ordonne par rapport à une homosexualité centrale , cela paraît en effet assez évident par l'analyse qui nous en a été présentée ce soir. Henri Ey. discussion de l article de Robert Berthelier. Approche de la sexualité musulmane. In " Entretiens psychiatriques N 15." 1972

 

- " Si le Coran consacre une sorte de statut esclavagiste de la femme, si celle-ci doit être entièrement soumise à la propriété de son maître, le " musulman " profondément identifié à l'image maternelle, narcissiquement fixé au " zeub " comme à un objet d'idolâtrie, cet " homme ", brutal, jaloux, sadique, quand il présente la face de sa virilité caricaturale, cet homme contient au fond de lui-même ( l'anima chez lui, religieusement cultivée ) une féminité dont ce que l'on appelle assez souvent son " hystérie " peut être considérée comme typique. " Henri Ey. discussion de l article de Robert Berthelier. Approche de la sexualité musulmane. In " Entretiens psychiatriques N 15." 1972

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