jeudi 27 septembre 2012

Anthologie de la poésie française - Georges Pompidou - 1

Ni vu ni connu

Je suis le parfum

Vivant et défunt

Dans le vent venu !

 

Paul Valéry. Le sylphe. In. Georges Pompidou. Anthologie de la poésie française

 

Adieu tristesse

Bonjour tristesse

Tu es inscrite dans les lignes du plafond

Tu es inscrite dans les yeux que j'aime

Tu n'es pas tout à fait la misère

Car les lèvres les plus pauvres te dénoncent

Par un sourire

 

Eluard. A peine défigurée

 

Je vous le dis vous le crie vous le chante

Un rire court sous la neige mortelle

Un rire l'aube et la joie d'être au monde

Les fleurs ont les fruits pour miroir

 

Eluard. Je suis la bête

 

Mille soleils mille fourrures

Mille caresses sous le froid

Plutôt que de mourir j'efface

Ce que j'ai mis de temps à vivre

 

Tous les remous d'un sang rebelle.

 

Eluard. Je suis la bête

 

-

Sur mes cahiers d'écolier

Sur mon pupitre et les arbres

Sur le sable sur la neige

J'écris ton nom

 

Eluard. Liberté

 

Sur toutes les pages lues

Sur toutes les pages blanches

Pierre sang papier ou cendre

J'écris ton nom

 

Eluard. Liberté

 

Sur les images dorées

Sur les armes des guerriers

Sur la couronne des rois

J'écris ton nom

 

Eluard. Liberté

 

-

Sur la jungle et le désert

Sur les nids sur les genêts

Sur l'écho de mon enfance

J'écris ton nom

 

Eluard. Liberté

 

-

Sur les merveilles des nuits

Sur le pain blanc des journées

Sur les saisons fiancées

J'écris ton nom

 

Eluard. Liberté

 

Sur tous mes chiffons d'azur

Sur l'étang soleil moisi

Sur le lac lune vivante

J'écris ton nom

 

Eluard. Liberté

 

-

Sur les champs sur l'horizon

Sur les ailes des oiseaux

Et sur le moulin des ombres

J'écris ton nom

 

Eluard. Liberté

 

-

Sur les champs sur l'horizon

Sur les ailes des oiseaux

Et sur le moulin des ombres

J'écris ton nom

 

Eluard. Liberté

 

-

Sur chaque bouffée d'aurore

Sur la mer sur les bateaux

Sur la montagne démente

J'écris ton nom

 

Eluard. Liberté

 

-

Sur la mousse des nuages

Sur les sueurs de l'orage

Sur la pluie épaisse et fade

J'écris ton nom

 

Eluard. Liberté

 

-

Sur la vitre des surprises

Sur les lèvres attentives

Bien au-dessus du silence

J'écris ton nom

 

Eluard. Liberté

 

-

Sur mes refuges détruits

Sur mes phares écroulés

Sur les murs de mon ennui

J'écris ton nom

 

Eluard. Liberté

 

Sur l'absence sans désirs

Sur la solitude nue

Sur les marches de la mort

J'écris ton nom

 

Eluard. Liberté

 

Et par le pouvoir d'un mot

Je recommence ma vie

Je suis né pour te connaître

Pour te nommer

 

Liberté.

 

Eluard. Liberté

 

-

Comprenne qui voudra

Moi mon remords ce fut

La malheureuse qui resta

Sur le pavé

La victime raisonnable

A la robe déchirée

Au regard d'enfant perdue

Découronnée défigurée

Celle qui ressemble aux morts

Qui sont morts pour être aimés

 

Une fille faite pour un bouquet

Et couverte

Du noir crachat des ténèbres

 

Eluard. Comprenne qui voudra

 

J'aurai pu rire, ivre de mon caprice.

L'aurore en moi pouvait creuser son nid

Et rayonner, subtile et protectrice,

Sur mes semblables qui auraient fleuri.

N'ayez pitié, si vous avez choisi

D'être bornés et d'être sans justice :

Un jour viendra où je serai parmi

Les constructeurs d'un vivant édifice,

 

La foule immense où l'homme est un ami.

 

Eluard. La puissance de l'espoir

 

-

Autant parler pour avouer mon sort :

Je n'ai rien mien, on m'a dépossédé

Et les chemins où je finirai mort

Je les parcours en esclave courbé;

Seule ma peine est ma propriété :

Larmes, sueurs et le plus dur effort.

 

Eluard. La puissance de l'espoir

 

-

Faut-il que pour nous brûlent tant d'étoiles

Et que tant de pluie arrive du ciel,

Et que tant de jours sèchent au soleil

Quand un peu de vent éteint notre voix,

Nous couchant le long de nos os dociles ?

 

Jules Supervielle. Descente de géants

 

-

Saisir, saisir le soir, la pomme et la statue,

Saisir l'ombre et le mur et le bout de la rue.

 

Saisir le pied, le coup de la femme couchée

Et puis ouvrir les mains. Combien d'oiseaux lâchés

 

Combien d'oiseaux perdus qui deviennent la rue,

L'ombre, le mur, le soir, la pomme et la statue !

 

Jules Supervielle. Saisir

 

-

L'amour s'en va comme cette eau courante

L'amour s'en va

Comme la vie est lente

Et comme l'espérance est violente

 

Guillaume Apollinaire. Le pont Mirabeau

 

-

Les mains dans les mains restons face à face

Tandis que sous

Le pont de nos bras passe

Des éternels regards l'onde si lasse

 

Guillaume Apollinaire. Le pont Mirabeau

 

Mon beau navire ô ma mémoire

Avons-nous assez navigué

Dans une onde mauvaise à boire

Avons-nous assez divagué

De la belle aube au triste soir

 

Guillaume Apollinaire. La chanson du mal-aimé

 

-

Que sont mes amis devenus ?

Je crois le vent les m'a ôtés.

L'amour est morte

Ce sont amis que vent emporte

Et il ventait devant ma porte;

Les emporta

 

Rutebeuf

 

J'ai grand désir

D'avoir plaisir

D'amour mondaine :

Mais c'est grand peine,

Car chaque loyal amoureux

Au temps présent est malheureux

 

Clément Marot

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